La chytridiomycose: un tueur silencieux des amphibiens

Depuis une trentaine d’années, les amphibiens sont au cœur d’une crise pouvant causer leur extinction. Les amphibiens constituent une classe de vertébrés dans laquelle nous pouvons retrouver les grenouilles, les crapauds, les salamandres etc.

Les amphibiens sont apparus lors de la Pangée et sont parvenus à s’adapter aux nouvelles conditions dans chacun des continents nouvellement formés suite à sa dislocation. Si bien que certaines espèces de grenouilles vivent dans des déserts, tandis que d’autres vivent même au-delà du cercle arctique. La rainette crucifère, par exemple, est même capable de survivre complètement congelée lors de l’hiver. Présents depuis 250 millions d’années, rien ne prévoyait une disparition massive de ceux-ci dans le monde.

Cependant, en moins de 30 ans, les espèces d’amphibiens ont été fortement impactées par une maladie. Plus de 120 espèces se sont éteintes et 435 ont régressé. De nombreuses raisons expliquent ce phénomène, notamment la multiplication d’un champignon pathogène connu sous le nom de Batrachochytrium dendrobatidis, qui tient son nom des dendrobates à tapirer. Exposées à cet agent pathogène qui engendre une maladie infectieuse, ces amphibiens tombèrent rapidement malades et moururent au National Zoological Park de Washington. L’Union Internationale pour la Conservation de la Nature qualifie la chytridiomycose comme étant la pire infection que ces espèces aient connu. Ce champignon, appartenant au groupe des chytrides, parvient à survivre en dégradant la cellulose, la chitine ou la kératine de plantes ou d’animaux. Dans le cas des amphibiens, il modifie leur kératine. 

La chytridiomycose est provoquée par deux agents pathogènes de la famille des chytrides: Batrachochytrium dendrobatidis (Bd) et Batrachochytrium salamandrivorans (Bsal). Ces deux champignons s’attaquent spécifiquement à la kératine des épidermes des amphibiens. 

Les deux agents pathogènes ne fonctionnent pas exactement de la même manière. En effet, les lésions sont différentes. Le premier induit une décoloration des pièces buccales pour les têtards, une hyperplasie des cellules kératinisées ainsi qu’une fusion des couches de kératine. Bsal, quant à lui, provoque  des érosions superficielles et des ulcérations sur tout le corps. Cela altère certaines fonctions vitales des amphibiens puisque leur peau est impliquée dans de nombreux échanges gazeux, d’eau ainsi que d’électrolytes. 

Chez les amphibiens, le taux de létalité peut aller jusqu’à 100%.  Ce nombre important s’explique notamment, par le fait que le champignon Bd interfère avec l’une des capacité vitale des grenouilles : le transport d’électrolytes.  Une expérience menée par Jamie Voyles, professeure à l’université de James Cook à Townsville en Australie a montré que le transport des électrolytes était fortement inhibé suite à l’infection de ce champignon. Les grenouilles mourraient rapidement d’une crise cardiaque. Cependant, lorsque celles-ci étaient nourries avec un supplément d’électrolytes, elles vivaient plus longtemps.

Certaines espèces d’amphibiens parviennent à survivre grâce à des peptides particuliers sur leur peau. C’est le cas de la grenouille taureau (Lithobates catesbeianus) ou du xénope lisse (Xenopus laevis). Cette résistance s’explique par la présence d’une bactérie vivant naturellement sur la peau de certaines espèces d’amphibiens : janthinobacterium lividum

Batrachochytrium dendrobatidis – © Dr Alex Hvatt, CSIRO

Découvert dans les années 90, Batrachochytrium dendrobatidis se retrouve partout désormais dans le monde. Il a causé le déclin d’au moins 500 espèces, en particulier des grenouilles. La perte de biodiversité est importante et c’est la plus grande qu’on puisse attribuer à un pathogène. Plusieurs hypothèses permettent d’expliquer cette propagation mondiale. 

Le microchampignon Bd peut se propager par lui-même grâce à la production de spores microscopiques qui ont la possibilité de se déplacer dans l’eau. Cependant, il aurait été impossible pour le champignon de se déplacer entre les continents. Une autre hypothèse suggère qu’il aurait été propagé lors de la distribution dans les laboratoires d’une espèce en particulier: le xénope lisse. Enfin, on pense aussi que la commercialisation des grenouilles en vue de la consommation par l’homme a participé à la dispersion du micro-champignon. 

Concernant Batrachochytrium salamandrivorans, il provoque un déclin dramatique des populations de salamandres tachetées. Il a été découvert pour la première fois en 2013. 

Il reste tout de même une once d’espoir pour les amphibiens. Certaines espèces de grenouilles sont parvenues à développer une forme de résistance au pathogène. Au Panama notamment, neufs espèces de grenouilles ont retrouvé leur niveau d’abondance.

Rédigé par Alizée Fernandes Pereira

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