Un estuaire se définit comme l’endroit où un fleuve se jette dans un océan. Cette zone subit notamment les changements de courants et constitue un lieu de sédimentation important. De ce fait, l’estuaire est un lieu de prédilection pour les poissons qui y effectuent en général leur reproduction. De par la structure des différentes couches sédimentaires, il existe des gradients verticaux et horizontaux et ce sont ces derniers qui créent les conditions favorables à la survie d’espèces aussi bien fluviales que marines. On recense également des espèces qui passent toute leur vie dans ces milieux : ce sont les espèces dites « estuariennes ».
On appelle « guilde écologique » un groupe d’espèces issues d’un même clade et qui utilisent leur environnement de la même façon et au même moment. À l’exception des espèces estuariennes, les poissons utilisent l’estuaire pendant un temps limité de leur cycle de vie : pour se nourrir, pour grandir, pour se reproduire ou tout simplement afin d’emprunter un passage sûr vers l’océan. Il est possible de répartir les espèces localisées dans les estuaires dans différentes catégories : six au total. Cette répartition se fait en fonction des étapes du cycle de vie ayant lieu dans les estuaires. Les seuls spécimens évoluant dans les trois milieux sont les anadromes et les catadromes. La principale différence entre ces deux nomenclatures réside dans le lieu de reproduction. Les adultes se reproduisent respectivement en eau douce et en mer.
La répartition précédente peut être justifiée par les conditions physico-chimiques qui règnent dans les estuaires. On en dénombre quatre principaux : le taux d’oxygène, la transparence, la température et le taux en sel. La teneur en dioxygène d’un milieu aquatique est majeure pour le développement des espèces qui y vivent : en cas de déficit, les conséquences sont différentes selon l’espèce mais si celui-ci persiste, il peut induire des modifications importantes du cycle de vie voire la mort de l’individu. Le deuxième paramètre est directement lié au premier car si l’eau est trouble ou contient des résidus organiques, elle inhibe l’utilisation de la lumière par les végétaux, limitant ainsi la photosynthèse et donc la production de dioxygène. De plus, une eau trop chaude ou au contraire trop froide peut avoir des conséquences sur les modes de vie des espèces présentes : une eau trop froide signifie que les poissons ne pourront pas grandir dans l’estuaire car il est impératif qu’il soit plus chaud que l’océan pour que la croissance soit optimale. Dans le cas contraire, si l’eau est trop chaude, l’oxygène ne peut pas se dissoudre et les résidus organiques se décomposent plus vite, consommant ainsi de l’oxygène. Enfin, la salinité permet de réguler le flux d’espèces dans l’estuaire en empêchant l’installation d’espèces marines si l’eau est trop salée et d’espèces fluviales si elle ne l’est pas assez.
Les espèces estuariennes ont une constitution particulière qui leur est propre et qui leur permet de vivre dans des milieux non figés tels que les estuaires. Depuis les années 70, les chercheurs ont identifié 79 espèces vivant dans ce milieu dont la plupart viennent de l’océan. On estime que la moitié des espèces recensées se sont retrouvées là par hasard. Par ailleurs, on retrouve plus de poissons en aval qu’en amont de l’estuaire. Cela s’explique par le fait que c’est par l’océan que la plupart des occupants de l’estuaire arrivent. En général, ces occupants ne peuvent remonter l’estuaire car la salinité diminue progressivement. Il existe un autre facteur expliquant la répartition des poissons dans l’estuaire : la période de l’année. En effet, on dénombre plus d’espèces en automne et en hiver qu’en été ou au printemps. C’est pendant les saisons froides que l’estuaire reçoit plus de courants fluviaux qui refroidissent l’eau empêchant ainsi les poissons marins de bénéficier du milieu. Enfin un dernier paramètre entre en jeu : les conséquences des années précédentes. En effet, si les espèces ne se sont pas reproduites de manière optimale durant l’année en cours, il leur sera difficile de se reproduire convenablement l’année suivante.
Article rédigé par Marie Ulmann
En collaboration avec Clara Lerebourg
Bibliographie :
- Elliott, M., Dewailly, F. The structure and components of European estuarine fish assemblages. Netherlands Journal of Aquatic Ecology 29, 397–417 (1995) (LIEN)
- http://www.loire-estuaire.org/accueil/diffusion-des-connaissances/publications/1765-101880/les-poissons-dans-lestuaire-de-la-loire
- Bone, Quentin, and Richard H. Moore. 2008. Biology of fishes. New York [u.a.]: Taylor & Francis.
- Source photographique : http://www.loire-estuaire.org/accueil/diffusion-des-connaissances/publications/1765-101880/les-poissons-dans-lestuaire-de-la-loire