© David Cook
Longtemps les êtres humains se sont servis de la nature comme source d’inspiration, aujourd’hui s’y trouvent les technologies de demain dans un processus nommé biomimétisme.
- Le biomimétisme c’est quoi ?
Le biomimétisme, c’est selon la définition de J. M. Benyus, la “démarche d’innovation, qui fait appel au transfert et à l’adaptation des principes et stratégies élaborés par les organismes vivants et les écosystèmes, afin de produire des biens et des services de manière durable, et rendre les sociétés humaines compatibles avec la biosphère…”.
Plusieurs termes existent qui peuvent être utilisés comme synonymes de “biomimétisme” cependant ils peuvent impliquer des notions légèrement différentes.
Par exemple, le terme de biomimétique qui est définit d’après l’ISO par la “coopération interdisciplinaire de la biologie et de la technologie ou d’autres domaines d’innovation dans le but de résoudre des problèmes pratiques par le biais de l’analyse fonctionnelle des systèmes biologiques, de leur abstraction en modèles ainsi que le transfert et l’application de ces modèles à la solution” ne s’inscrit pas dans un objectif de développement durable.
Si s’inspirer de la nature permet cette approche durable, c’est que dans la nature il n’y a pas de production de déchets, tout ce qui est fait peut être recyclé.
Quand on fait du bio-mimétisme, on peut soit partir de la propriété biologique et chercher des problématiques auxquelles on peut l’appliquer, soit partir du problème et chercher dans le vivant une solution potentielle. A savoir qu’on a historiquement plus eu tendance à la première approche, cependant avec la popularité croissante du biomimétisme, la deuxième approche gagne en puissance, en particulier dans le domaine de l’industrie. Dans cette perspective, il faut bien identifier les problématiques auxquelles on veut répondre avant de chercher des solutions.
- Des exemples
Au fil des années, les projets de biomimétisme se sont multipliés, nous allons ici vous présenter 2 exemples.
La conservation des aliments du manchot
Chez le manchot royal Aptenodytes patagonicus, l’éclosion des œufs se fait entre la fin de l’hiver et le début du printemps. C’est principalement les mâles qui incubent sur les 2-3 dernières semaines, pendant que les femelles vont chercher de la nourriture pour le futur poussin. Le réchauffement climatique a poussé les femelles à aller de plus en plus loin, ce qui fait que la femelle n’est pas toujours là à temps, les mâles se doivent alors de nourrir le poussin. Sachant qu’ils ne peuvent pas chasser pendant qu’ils incubent l’œuf, ceci implique qu’ils doivent être capable de conserver la nourriture dans leur estomac à 38°C pendant plusieurs semaines. Or, un tel milieu devrait être très favorable au développement microbien, cependant la nourriture ne présente pas de signes de détérioration.
Les travaux de l’équipe d’Yvon Le Maho ont permis de mettre à jour la présence de peptides de la familles des ß-défensines, la sphéniscine. Cette dernière va mettre les bactéries en état de torpeur et assurer la conservation de la nourriture.
En général, les défensines sont une source d’alternatives aux antibiotiques, car ayant un effet plus stable sur un gamme plus grande de bactéries par rapport aux antibiotiques (la résistance aux antibiotiques étant une cause d’inquiétude dans le domaine biomédical). La sphéniscine a la plus particularité de pouvoir opérer en milieu à haute concentration en sel, ce qui peut correspondre chez l’Homme au globe oculaire. Par exemple, la sphéniscine s’est révélée très efficace contre Staphylococcus aureus, la bactérie notamment responsable des orgelets au niveau des yeux.
Le verre des diatomés
Les diatomés sont un groupe d’algues unicellulaire microscopique qui occupent une place non négligeable dans le phytoplancton, de par leur diversité (on décompte plus de 100 000 espèces), ainsi que par leur participation à la genèse d’oxygène (25%).
On les reconnaît par l’exosquelette poreux qui les entoure, la frustule. Synthétisé en verre à partir de la silice contenue dans l’eau sous la forme d’acide orthosilicique (Si(OH)4, elle va leur permettre d’interagir avec leur environnement, comme pour assurer le processus de photosynthèse (la lumière passe et est focalisés par les pores, qui ne dépassent pas 200 nm).
Or, cette même frustule présente plusieurs usages très intéressants. Elle a déjà l’avantage d’être synthétisable dans des conditions peu extrêmes : alors que le verre est traditionnellement fabriqué à très haute température, les diatomés peuvent le produire simplement avec de la lumière et en étant placées dans de l’eau qui contient CO2 et sels minéraux. L’eau de mer ou de l’eau douce seraient suffisantes, ce qui réduit fortement les coûts de production.
De plus, les propriétés optiques qu’on a évoqué plus tôt seront utiles dans la fabrications de panneaux photovoltaïques ainsi que de fibres optiques utilisées dans la construction de réseaux internet.
Il reste une multitude d’exemples qu’on n’a pas décrits ici (comme les denticules dermiques des requins pour créer des véhicules plus aérodynamiques ou les capteurs des dendroctones noirs pour détecter la fumée), une liste qui devrait fortement s’agrandir dans les années à venir. Cependant, le déclin de la biodiversité actuel pose problème. En effet, il est compliqué de faire du biomimétisme s’il n’y a plus les organismes vivants desquels on pourrait s’inspirer.
RUDEANU Matthias
Sources :
- Camborde JP, Boeuf G. Biomimétisme: Il y a Du Génie Dans La Nature. Quae; 2018.
- Fayemi P, Wanieck K, Zollfrank C, Maranzana N, Aoussat A. Biomimetics: process, tools and practice. BIOINSPIRATION & BIOMIMETICS. 2017;12(1). doi:10.1088/1748-3190/12/1/011002
- Gilles B. Biomimétisme et bio-inspiration. Vraiment durable. 2014;5/6:43. doi:10.3917/vdur.005.0043
- ISO/TC266 2015 Biomimetics—Terminology, Concepts and Methodology (Berlin: Beuth) ISO 18458:2015
- Thouzeau C, Le Maho Y, Froget G, et al. Spheniscins, Avian β-Defensins in Preserved Stomach Contents of the King Penguin, Aptenodytes patagonicus*. Journal of Biological Chemistry. 2003;278(51):51053-51058. doi:10.1074/jbc.M306839200
- Seckbach J, Kociolek P, eds. The Diatom World. Springer; 2011.
- Sources photographiques : King Penguin (Aptenodytes patagonicus), David Cook. Diatoms, ZEISS Microscopy