Un Iceberg en Australie ? Non, c’est Migaloo !

Depuis le 28 juin 1991, les touristes, scientifiques et toute autre personne en bateau devant le point le plus à l’est de l’Australie peuvent apercevoir une figure lumineuse blanche. Un iceberg ? Cette figure blanche, d’une taille d’environ 15 mètres est en réalité une baleine à bosse (Megaptera novaeangliae) de couleur presque parfaitement blanche. Ce mâle âgé aujourd’hui de 34 ans a été nommé “Migaloo”, ce qui signifie en langage aborigène australien « Mec Blanc ».

© Craig Parry

Les baleines à bosse ont une morphologie très distincte qui les rend facilement reconnaissables. Elles possèdent un dos entièrement noir ou gris avec un ventre plutôt blanchâtre. Les caractères spécifiques de ce type de baleine sont les protubérances appelées tubercules sur la mâchoire inférieure et sur la tête. Elles possèdent également de très larges nageoires pectorales et une nageoire caudale très puissante, ce qui leur permet de faire des sauts très hauts. Ce sont des baleines très curieuses et très appréciées dans l’observation puisqu’elles ont tendance à s’approcher des bateaux. Elles font alors des sauts ou battent la surface de l’eau avec leurs nageoires pectorales. On suppose que ce comportement sert à tétaniser les poissons qu’elles chassent afin de mieux les piéger et ainsi faciliter la chasse. 

Migaloo est né en 1986 mais a été observé pour la première fois en 1991. Son âge a pu être déterminé grâce à des échantillons de peau collectés dans l’eau après un saut.  Migaloo a rapidement été considéré comme étant albinos, cependant, nous n’avons aucune preuve que ce soit le cas. Les échantillons de peau prélevés ont permis aux chercheurs de réaliser une empreinte génétique grâce à l’ADN contenu dans les cellules épidermiques. Ces analyses n’ont pas été suffisantes pour confirmer que Migaloo est bien une baleine albinos. C’est pourquoi il a été qualifié d’individu hypo-pigmenté (hypo- indiquant une propriété inférieure à la normale). 

L’albinisme est une condition homozygote. C’est-à-dire que pour un des gènes responsables de l’albinisme on doit avoir deux allèles récessifs. Cette maladie est héréditaire et est donc un caractère que l’on reçoit de ses parents qui ne sont pas forcément albinos, mais qui transmettent chacun l’un des allèles récessifs. Un des gènes responsables de l’albinisme est celui codant pour la tyrosine, une enzyme responsable en partie de la fabrication de mélanine qui donne une couleur foncée à la peau. L’albinisme se définit donc par un défaut de mélanine.

On divise l’albinisme en 7 catégories pouvant respectivement affecter un gène sur les chromosomes 1, 10, 11 et 15. En effet, il se manifeste par une mutation au niveau de l’un des allèles du gène impliqué.  Ainsi, étant en possession de l’ADN de Migaloo, on devrait pouvoir chercher ses mutations et trouver la preuve d’un albinisme dans le code génétique de la baleine. Cependant, pourquoi les chercheurs n’ont rien trouvé ?

© Migaloo1/Twitter

La première hypothèse est que l’ADN des cellules épidermiques récoltées était fracturé et donc incomplet. En effet, ayant flotté dans l’eau quelques temps avant d’être récolté, les cellules se sont faites dégrader par l’eau salée de la mer. De plus, les cellules se sont détachées d’elles-mêmes du corps de Migaloo : ce sont donc des cellules mortes. Or, les cellules mortes ont subi l’apoptose qui est le processus de self-destruction des cellules. Durant ce phénomène, l’ADN est fragmenté en morceaux de 180 paires de base. On peut donc facilement imaginer que seulement une partie du matériel génétique de Migaloo a été récolté.

La deuxième hypothèse qui est celle à laquelle adhèrent la plupart des scientifiques est que Migaloo n’est tout simplement pas un individu albinos. Il existe des animaux qui, au cours de la mélanogénèse (genèse de mélanine), subissent un dysfonctionnement de l’une des nombreuses hormones, enzymes ou protéines ce qui conduit à un caractère appelé leucisme. Il s’agit d’un caractère morphologique pour lequel le corps d’un animal est entièrement dépourvu de couleur, mais les yeux ne sont pas rouges comme avec l’albinisme et certaines parties du corps peuvent garder de la couleur.

En effet, les yeux de Migaloo semblent plus noirs que rouges et il possède des taches noires sur sa nageoire caudale. On peut donc plus facilement adhérer à l’idée que Migaloo est une baleine à bosses leucistique plutôt qu’albinos. 

© Sean O’Shea

La recherche touchant Migaloo pour la découverte de sa vraie nature va probablement en rester au point d’hypothèses et de suppositions.  Il n’existe que 4 baleines blanches telle que Migaloo au monde. Elles sont extrêmement protégées : les bateaux ne sont donc pas autorisés à s’approcher de Migaloo à plus de 500 mètres et un avion ou hélicoptère n’a pas le droit de descendre sous 2000 pieds pour observer cette magnifique créature, sous peine d’une amende de 16 500 dollars australiens. Cette distance rend donc le prélèvement d’échantillons et donc la recherche à son sujet, complexes. Migaloo, l’iceberg d’Australie, restera donc probablement un mystère.

Article rédigé par Alizée Wagner

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