Depuis les films Jurassic Park, tout le monde connaît les dinosaures. Cependant, la majorité des personnes ignorent que certains des représentants les plus connus de ces reptiles préhistoriques étaient en fait plumés.
Source : This Dynamic Earth : The Story of Plate Tectonics. Reston, Virgina, USA: United States Geological Survey,
Les dinosaures ont vécu sur terre entre le Trias et le Crétacé. La terre était alors sous forme de supercontinent, la Pangée, qui s’est ensuite fracturée pour former les plaques Gondwana et Laurasia.
Les dinosaures possédaient des régimes alimentaires très variés, dont la carnivorie. Les carnivores se divisaient en différents groupes dont notamment le groupe des théropodes : ce nom désigne l’ensemble des dinosaures bipèdes carnivores ayant vécu entre le Trias et le Crétacé supérieur, soit entre 225 et 65 millions d’années avant notre ère. Les théropodes avaient des tailles et formes très variées. En effet, certains représentants pouvaient atteindre plusieurs dizaines de mètres de long tandis que d’autres étaient tout juste assez grands pour atteindre le genou d’un homme adulte. Il ne serait donc pas surprenant qu’ils aient aussi des textures de peau différentes. Pour illustrer ceci, intéressons-nous plus particulièrement à 2 groupes des théropodes : le groupe des Tyrannosauridae ayant vécu de -166 à -66 Ma et le groupe des Dromeosauridea ayant vécu entre -164 et -66 Ma.
Les Tyrannosauridae forment une superfamille (aussi appelée clade) des théropodes. Ils ont des représentants de tailles très variables mais on observe une tendance nette dans l’augmentation de la taille des animaux au cours du temps. On peut citer notamment le dilong, qui mesurait environ 1,60m et qui était l’un des représentants du même clade que le fameux Tyrannosaure rex, mesurant 12 mètres (une représentation du T-rex plumé est montrée plus haut). Les Tyrannosauridae ne possédaient pas de vraies plumes et n’avaient pas d’ailes. Ils avaient en fait un “plumage” composé de protoplumes. Si on devait les décrire, ces protoplumes ressembleraient aux plumes actuelles sans les embranchements latéraux : ce sont des plumes constituées uniquement d’un rachis central creux. Le dilong voyait son corps entièrement recouvert de ces protoplumes tandis que le T-rex n’en avait que sur la queue, le cou, l’abdomen et la hanche. On remarque donc qu’un animal plus petit est nettement plus couvert qu’un animal de grande taille. Il est ici important de noter que, étant des reptiles, la grande majorité des dinosaures étaient de sang froid et régulaient la température de leur corps en s’exposant au soleil pour se réchauffer. Les protoplumes avaient donc pour simple rôle la thermorégulation (elles conservaient la chaleur du corps). Il est aussi logique que plus un corps est grand, mieux il conservera la chaleur. Ainsi il semblerait évident que le T-rex, étant beaucoup plus grand que le dilong, nécessite moins de couverture plumée.
Les Dromeosauridea sont une famille de théropodes qui étaient tous entièrement plumés. Ils se caractérisent par leur relative petite taille et par une griffe hypertrophiée sur les pattes arrières.
Un des plus célèbres représentants de ce groupe était le Vélociraptor, dont une représentation artistique est donnée plus haut. Le plus grand des Dromeosauridea atteignait tout juste les deux mètres. Cependant, cette taille n’était en aucun cas un handicap pour ces prédateurs agiles. Les Dromeosauridea étaient des chasseurs avérés et vivaient souvent en groupes que l’on peut comparer à une meute de loups ou à une tribu de lions. Ils étaient très rapides et poursuivaient leurs proies jusqu’à épuisement ou jusqu’à les rattraper, et une grande taille les aurait sûrement gênés dans leur agilité. Les Dromeosauridea possédaient un corps entièrement recouvert de plumes mais à la différence des Tyrannosauridae, il s’agissait de vraies plumes et non de protoplumes. Il est cependant important de noter que le squelette des Dromeosauridea ne leur permettait en aucun cas de voler. Si on cherche à comprendre pourquoi les Dromeosauridea possédaient de plumes, on peut tout d’abord citer la même raison que chez les Tyrannosauridae : la conservation de la chaleur. Mais alors, pourquoi produire de vraies plumes si une protoplume remplit la même fonction ? Les chercheurs ont donc émis différentes théories sur la fonction des plumes chez les Dromeosauridea qui sont aujourd’hui largement acceptées. Comme mentionné plus haut, les Dromeosauridea étaient des chasseurs actifs. Ils poursuivaient des proies qui étaient souvent tout aussi agiles que leur prédateur. Ce dernier devait alors posséder un avantage pour pouvoir se nourrir, dans le cas présent la plume. On théorise que les Dromeosauridea employaient la technique WAIR (Wing Assisted Incline Running). WAIR signifie course sur surface inclinée assistée par des ailes, c’est une technique qu’emploient encore les oiseaux actuels. Lors d’une course rapide sur sol plat, il n’y a pas besoin de déployer les ailes car la force motrice des pattes est suffisante. Cependant, quand on augmente la pente de la surface sur laquelle on court, on est dans l’obligation de se pencher en avant pour maintenir son équilibre et, à partir d’un pendage trop fort (>45°) on est obligé de se servir de ses bras pour pouvoir tenir sans tomber. Or, pour un animal bipède, courir à quatre pattes n’est pas le mode de déplacement le plus rapide. C’est là qu’interviennent les ailes. En effet, battre des ailes quand on se déplace rapidement sur une forte pente permet à l’animal de rester sur deux pattes et donc de se déplacer sans perdre en vitesse et sans tomber. La technique du WAIR permettait donc aux Dromeosauridea de poursuivre leurs proies en tout terrain sans être ralentis par la topographie du milieu. Il est aussi possible que la technique du WAIR ait été employée pour permettre aux Dromeosauridea de fuir un plus grand prédateur.
On attribue aussi le rôle de “stability flapping” aux plumes des Dromaeosauridae. Comme mentionné précédemment, on peut comparer ces prédateurs à une tribu de lions. Tout comme ces derniers, les Dromeosauridea avaient tendance à chasser en groupe pour tuer une grande proie qui allait satisfaire tout le monde. Or, avec leur petite taille et une proie qui se débat violemment, les dinosaures avaient de grandes chances de se faire déloger de leur proie et de la perdre. Ce risque est drastiquement réduit avec la technique du stability flapping employée de nos jours par les aigles. Cette technique consiste en un battement intensif des ailes qui permet au prédateur de rester redressé peu importe le mouvement de la proie ou de la surface en dessous. Cela permet donc au prédateur de se stabiliser dans une situation de perte d’équilibre. Il est intéressant de noter qu’il s’agit d’une technique que nous humains employons aussi, bien que de manière nettement moins efficace. Quand nous trébuchons, nous battons des bras pour ne pas tomber : c’est exactement le même principe, sauf que chez nous ça ne sert souvent à rien.
Un dernier rôle attribué aux plumes des Dromeosauridea est le rôle d’affichage. On suspecte souvent que les plumes devaient avoir une certaine pigmentation qui pouvait servir à l’identification des membres d’une même espèce ou à l’affichage lors des périodes d’accouplement. Cependant, tout le monde est d’avis que ces pigments ne devaient pas être trop vifs pour permettre aux prédateurs de se camoufler lors de la chasse ou de se protéger de prédateurs plus grands.
Selon les différents groupes de dinosaures étudiés et leurs caractéristiques comportementales, on observe différents stades de développement de la plume allant d’une protoplume à une plume d’oiseau moderne. Il est important de noter qu’un dinosaure à plumes n’est pas forcément capable de réaliser le vol actif (et c’est même rarement le cas). Les plumes ont différents rôles qui sont souvent encore discutés. On peut citer la conservation de la chaleur, le camouflage, le stability flapping, le WAIR et peut-être même des fonctions d’affichage.
WAGNER Alizee
Sources :
- Ksepka, D. T. Feathered dinosaurs. Current Biology 30, R1347–R1353 (2020).
- Bell, P. R., Campione, N. E., Larson, P. L., Tanke, D. H. & Bakker, R. T. Tyrannosauroid integument reveals conflicting patterns of gigantism and feather evolution. Biology Letters 5 (2017).
- J. & Brusatte, S. L. A large, short-armed, winged dromaeosaurid (Dinosauria: Theropoda) from the Early Cretaceous of China and its implications for feather evolution. Scientific Reports 5, 11775 (2015).
- Dial, K. P. Wing-Assisted Incline Running and the Evolution of Flight. Science 299, 402–404 (2003).
- Fowler, D. W., Freedman, E. A., Scannella, J. B. & Kambic, R. E. The Predatory Ecology of Deinonychus and the Origin of Flapping in Birds. PLoS ONE 6, e28964 (2011)
- Source schéma Pangée : http://pubs.usgs.gov/gip/dynamic/historical.html