Nous croisons souvent dans nos journaux et médias ces mêmes titres sensationnels, criant à l’empoisonnement de notre alimentation par les OGM ou le glyphosate, aux dangers des biologistes jouant à Dieu avec la vie, ou encore sur notre évolution biologique. Ces articles, sûrement plein de bonnes volontés, sont souvent issus d’informations scientifiques déformées, mal comprises voir dans les pires cas, fausses. Néanmoins, il serait présomptueux de lancer de telles accusations sans expliquer pourquoi, et sans apporter d’arguments. Il est donc temps de passer aux explications.
Les OGM : beaucoup de bruit pour rien ?
Le 20 Septembre 2012, le Nouvel Observateur sortait un numéro avec en une : « Oui, les OGM sont des poisons ! », avec un dossier basé sur une étude scientifique sortie la veille démontrant qu’un certain maïs “OGM NK603” était toxique. Dans l’étude, 200 rats divisés en groupe de 10 par sexe ont été nourris pendant 2 ans avec du maïs OGM cultivé ou non avec du Round Up comparé à des rats alimentés avec une eau contenant de faibles doses de Round Up (lien vers l’étude en fin d’article). Dans cette étude, Gilles-Eric Séralini et son équipe observent une mortalité 2 à 3 fois plus importante chez les groupes de rats quel que soit le traitement que dans les groupes témoins. Selon cette étude, la souche de maïs OGM NK603 aurait donc un effet cancérogène, c’est-à-dire favorisant l’apparition de cancer, chez les rats et potentiellement chez l’Homme. S’ensuit une déferlante médiatique sur le sujet. Ça y est, les OGM sont déclarés ennemis de notre santé.
Seulement, cette étude présente quelques problèmes, que d’autres scientifiques ont très vite pointées du doigt.
Tout d’abord, l’échantillon de 200 rats divisés en groupes de 10 individus. En science, des échantillons de 10 individus sont bien trop petits car les différences observées, aussi bien de mortalité que de nombres de tumeurs, entre les différents groupes peuvent très bien être un effet du hasard statistique.
Ensuite, la souche de rats utilisée est connue pour développer des tumeurs. Ironie du sort, 5 femelles sur 10 du groupe contrôle (sans pesticide et OGM) ont développé des tumeurs, et pire, le nombre de tumeurs dans le groupe contrôle mâle est supérieur au nombre de tumeurs des groupes nourris avec du maïs OGM traités au Round Up. L’alimentation des rats contrôles n’est d’ailleurs pas précisée.
Enfin, l’étude a reçu le soutien financier du CRIIGEN, une association anti-OGM, sachant que le directeur de l’étude, Mr Séralini, est le président du Conseil scientifique de cette association. Il y aurait donc conflit d’intérêt.
Cette étude ne peut donc être qualifié de source fiable puisque les erreurs sont multiples. Se pourrait-il néanmoins que Séralini n’ait eu raison ? Rien n’est moins sûr. En effet, la plupart des études concluent soit sur l’absence de toxicité des OGM, soit sur l’impossibilité de se prononcer sur la question à cause des pesticides associés aux cultures.
Le Glyphosate : un débat inutile
Passons à la question brûlante du glyphosate. En effet, sa toxicité est débattue depuis le milieu des années 80, et de nombreuses agences de sécurité sanitaire continuent de le classer comme non cancérogène. Mais d’où vient cette polémique ?
Celle-ci vient des résultats obtenus des agences sanitaires et du Centre Internationale de Recherche sur le Cancer (ou CIRC). En effet, les résultats obtenus sont contradictoires, pour la simple et bonne raison que leurs méthodes d’évaluation divergent. Alors que le CIRC cherchait à évaluer le danger du glyphosate dans l’absolu, c’est-à-dire si une molécule peut présenter un danger peut importe la dose à laquelle elle est utilisée, de leur côté les agences sanitaires cherchaient à évaluer le risque lié à son utilisation, c’est-à-dire dans des conditions données à des doses fixes. Pour vous donner un exemple, les molécules présentes dans les colles d’intérieur sont hautement dangereuses mais ne présentent de risque lorsque leur utilisation est maîtrisée. Est-ce le cas du glyphosate ?
Le CIRC a classé le glyphosate comme probablement cancérogène pour l’humain, car pouvant endommager l’ADN. Néanmoins, celui-ci évalue que les preuves sont limitées concernant sa cancérogénicité chez l’humain mais suffisantes chez les animaux, auxquelles s’ajoutent des preuves d’une propriété génotoxique et induisant un stress oxydant. Néanmoins, nous parlons ici de danger absolu. Quand-est-il des risques d’utilisation ?
Plusieurs études montrent que le glyphosate pourrait présenter un risque toxicologique potentiel, principalement dû à son accumulation dans la chaîne alimentaire. Le risque nutritionnel du glyphosate et de la molécule issue de sa dégradation, l’AMPA, a été estimé comme improbable si l’apport journalier maximum ne dépasse pas les 1 mg par kilo de masse corporelle (soit 80 mg pour un individu de 80 kg). Cela représente des doses très importantes, et donc difficiles à atteindre. Alors pourquoi tout le monde s’alarme sur le glyphosate ?
Tout d’abord, l’erreur des médias d’avoir relayé les résultats d’étude comme celle du CIRC sans tenir compte de ses objectifs et du contexte d’étude. Ensuite, par association avec ses effets sur d’autres êtres vivants. En effet, le glyphosate aurait un effet sur certains invertébrés comme Daphia magna, et, bien sûr, sur les plantes en tant qu’herbicide. Après tout, un produit éliminant les plantes aussi facilement ne peut être bon pour nous, si ?
Conclusion :
Comme on a pu le voir, les informations scientifiques relayées par les médias sont souvent déformées, si bien que lorsqu’elles arrivent à nous, elles sont partiellement, voir entièrement fausses. Mais pourquoi donc ?
Tout simplement parce que l’information initiale est déformée à plusieurs niveaux.
Tout d’abord, elle est déformée par les scientifiques, qui parfois modifient légèrement leurs résultats afin d’embellir leurs articles. En effet, le monde scientifique d’aujourd’hui impose aux chercheurs de publier en quantité et à un rythme soutenu. C’est « publish or perish ».
Ensuite, il y a déformation par les médias, qui déforment une information, déjà potentiellement déformée, par sélection des données les plus spectaculaires et les plus impressionnantes, ou par conflit d’intérêt (un média anti-OGM ne présentera pas une publication prouvant la non toxicité de ceux-ci…).
Nous nous retrouvons donc en fin de chaîne avec des informations ayant été choisies et triées selon l’objectivité du média la relayant.
Ce n’est pas forcément une fatalité. L’émergence de nouveaux médias de vulgarisation scientifiques, l’augmentation de la disponibilité des infos avec internet, tout ceci nous permet d’accéder directement aux sources et de s’assurer de la véracité de ce que nous lisons.
Article rédigé par Valentin Djian
Sources :
- https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2706426/
- Etude de Séralini : https://www.criigen.org/download/ogmDocument/1/Etude-InVivo-VF.pdf
- http://www.cancer-environnement.fr/350-Etude-Seralini–OGM-chez-rats-et-risques-cancers.ce.aspx
- Critique de l’EFSA : https://efsa.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.2903/j.efsa.2012.2910
- https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0278691511006399
- https://link.springer.com/article/10.1007/s11356-016-7425-3
- https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0273230099913715