Comment notre corps évite-t-il les cancers ? Quand-est-ce qu’une cellule arrête de se diviser, et pourquoi ? Pourquoi vieillit-on ? Toutes ces questions ont une partie de réponse en commun : les télomères.
Tout d’abord, un petit historique :
En 1962, Leonard Hayflick découvre que la capacité de réplication des cellules n’est pas infinie [1], contrairement à ce que les travaux d’Alexis Carrel laissaient penser. Suite à cette découverte, on appellera le moment à partir duquel une cellule arrête de se diviser la Limite de Hayflick.
Au début des années 1970, un théoricien russe, Alexei Olovnikov, observe à son tour que les chromosomes ne peuvent pas complètement dupliquer leurs extrémités. Il en déduit qu’à chaque occurrence de division cellulaire, une partie de la séquence d’ADN est perdue, et ce jusqu’au moment où la perte d’information est si grande que la cellule arrête de se reproduire.
À la suite de ces découvertes, de nombreuses études vont entrer plus en détail dans la structure et le fonctionnement des extrémités des chromosomes, et notamment les travaux d’Elizabeth Blackburn avec Joseph G. Gall sur leur structure répétitive [2] et avec Carol Greider et Jack Szostak sur leur formation et protection contre les diverses attaques extérieures, qui leur vaudront le Prix Nobel de physiologie ou médecine en 2009 [3][4].
Bien, maintenant que nous savons comment ils ont été découverts, quelques questions subsistent encore : Quelle est leur nature ? À quoi servent-ils et comment fonctionnent-ils ?
Le télomère est la partie d’ADN située à chaque extrémité d’un chromosome et qui est composée d’un motif de bases azotées relativement court et répété un grand nombre de fois. Chez les vertébrés, le motif est le suivant : TTAGGG [5]. Chez les humains, on estime que l’on possède près de 11000 bases dans nos télomères à notre naissance [6], contre environ 4000 chez les personnes âgées.[7]
Son rôle serait de créer une réserve de longueur dans les chromosomes afin que la réplication du matériel génétique puisse se faire complètement. En effet, comme évoqué précédemment, les chromosomes ne peuvent pas dupliquer leurs extrémités, ce qui pourrait causer une perte d’information biologique si les télomères n’étaient pas présents.
De plus, même si ils peuvent se régénérer, on observe qu’ils ont tendance à diminuer au cours de la vie d’un individu, et on pense que cela a comme but de limiter les possibles mutations excessives et formations de cancers liées aux erreurs de réplication de l’ADN [8][9].
Chez les humains, cette diminution cause généralement ce qu’on appelle la sénescence réplicative, qui inhibe la division cellulaire, et qui est souvent suivie par la destruction de la cellule ou la sénescence cellulaire. Cela signifie que la cellule en question arrête de se diviser, mais continue d’effectuer ses fonctions. Toutefois, ces cellules se détériorent au fil de temps, et leur accumulation cause une baisse de fonctionnalité des tissus dans lesquels elles se trouvent. Cette diminution d’efficacité est plus connue sous le nom de vieillesse.
En somme, les télomères sont en quelque sorte les garants de l’intégrité de nos chromosomes et aussi des remparts contre les diverses maladies liées à l’âge ainsi que les cancers. C’est grâce à eux que nos cellules ne développent pas des mutations démesurées, mais bien à cause d’eux que l’on vieillit.
Article écrit par Arnaud Bichet
Sources:
Emilie Fallet (2014) : Stabilité chromosomique, vieillissement cellulaire et cancer : rôle des télomères et de la télomérase. Planet Vie ENS
Learn.Genetics : Are Telomeres the Key to Aging and Cancer genetics.learn.utah.edu
Bibliographie :
[1] Hayflick L (1965). « The limited in vitro lifetime of human diploid cell strains« . Experimental Cell Research. [2] Blackburn EH, Gall JG (1978) « A tandemly repeated sequence at the termini of the extrachromosomal ribosomal RNA genes in Tetrahymena » Journal of Molecular Biology. [3] Greider CW, Blackburn EH. (1985) « Identification of a specific telomere terminal transferase activity in Tetrahymena extracts. » Cell. Vol. 43, MIT. [4] Greider CW, Blackburn EH. (1989) « A telomeric sequence in the RNA of Tetrahymena telomerase required for telomere repeat synthesis. » Nature. [5]Meyne J, Ratliff RL, Moyzis RK (1989). « Conservation of the human telomere sequence (TTAGGG)n among vertebrates« . Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America. [6] Okuda K, Bardeguez A, Gardner JP, Rodriguez P, Ganesh V, Kimura M, Skurnick J, Awad G, Aviv A (2002). « Telomere length in the newborn » . Pediatric Research. [7] Arai Y, Martin-Ruiz CM, Takayama M, Abe Y, Takebayashi T, Koyasu S, Suematsu M, Hirose N, von Zglinicki T (October 2015). « Inflammation, But Not Telomere Length, Predicts Successful Ageing at Extreme Old Age: A Longitudinal Study of Semi-supercentenarians « . EBioMedicine. [8] Shay, Jerry W.; Wright, Woodring E. (2005). « Senescence and immortalization: role of telomeres and telomerase« . Carcinogenesis. [9] Wai, L. K. (2004). « Telomeres, Telomerase, and Tumorigenesis — A Review« . MedGenMed.