Symbiose 6
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Quand nous entendons le terme champignon, nous pensons souvent aux forêts, aux promenades automnales… ou même à une poêlée bien beurrée. Bref, rien qui fasse frémir. Pourtant le mot champignon désigne bien plus que ça. Ces eucaryotes, parfois microscopiques, peuvent se retrouver aussi directement sur notre peau et venir jouer les trouble-fêtes plus près de nous. Heureusement, la science a pu nous créer un héros discret : l’ÉCONAZOLE®!

Tout d’abord, il existe différentes infections causées par les champignons au sein de l’organisme humain, mais nous allons nous concentrer plutôt sur les mycoses, ces croissances fongiques qui touchent la peau, les ongles, les cheveux et parfois les muqueuses (bouche, nez, vagin, yeux), et contre lesquelles l’ÉCONAZOLE® se révèle particulièrement efficace.

Selon le type d’infection, l’ÉCONAZOLE® est disponible sous différents formats, mais agissant toujours pour un même but : combattre les champignons responsables des mycoses superficielles, par exemple les dermatophytes (Trichophyton, Microsporum, Epidermophyton) responsables du pied d’athlète, de la teigne ou les mycose des plis. Les levures du genre Candida peuvent devenir pathogène et être donc à l’origine de maladies telles que candidoses cutanées et candidoses vaginales, et certaines moisissures superficielles comme la Malassezia furfur, agent principal du Pityriasis Versicolor

Ce médicament existe sous une multitude de formats : le format crème, facile à appliquer sur la peau et aux plis cutanés, et est généralement bien toléré par les patients. 

Le format pommade ou gel est plus ou moins hydratant et pénétrant, selon le type de formulation et s’applique plutôt pour les zones sèches ou sensibles et parfois même les ongles. Le format poudre ou spray pour les zones difficiles à sécher (pieds, plis) qui facilite la prévention de l’humidité favorisant la croissance de mycoses dans ces zones humides. 

Les ovules ou comprimés vaginaux, prescrits contre les candidoses vaginales, car ils permettent un traitement local et efficace sur les muqueuses vaginales. 

Enfin, le format solution ou lotion spécifique au cuir chevelu pour combattre certaines dermatophyties ou infections à Malassezia

Mais comment ce petit héros, peu importe son format, parvient à  combattre ces champignons microscopiques qui squattent notre peau, nos cheveux, nos ongles et même nos muqueuses ?

Parlons d’abord de l’historique familiale de l’Éconazole

Cette molécule chimique appartient à la famille des imidazolés, une sous-catégorie des azolés, une famille de molécules antifongiques caractérisées par la présence d’un anneau azoté (azote, N) dans leur structure chimique.

Photo de David E. Wolk, « Structures of common Azole compounds » https://citizendium.org/wiki/Azole 

Avant de rentrer en détails dans le mode d’action des azolés, il faudra tout d’abord comprendre la structure des champignons. Ces eucaryotes sont compartimentés, ils ont donc un noyau, des mitochondries et un appareil de Golgi tout comme les cellules animales ou végétales. Mais contrairement à ces dernières, la membrane plasmique fongique est structurée différemment, elle est riche en ergostérol, un stérol spécifique des champignons, que nous ne retrouvons ni chez les cellules végétales ni chez les cellules animales. 

Structure of cell wall and cell membrane of filamentous fungi. Adapted and modified from Faruck et al. (2016) https://www.researchgate.net/figure/Structure-of-cell-wall-and-cell-membrane-of-filamentous-fungi-Adapted-and-modified-from_fig6_384151432 

La paroi cellulaire est un élément clé de la structure de la cellule fongique puisqu’elle assure la rigidité cellulaire ainsi qu’une protection contre le stress osmotique et permet tout interaction et échange avec l’environnement. Cette paroi est composée de chitine, de β‑glucanes (des glucanes ou polysaccharides de glucose), et de mannanes ou mannoprotéines (des glycoprotéines). Des liaisons covalentes peuvent s’établir entre ces molécules pour former une matrice résistante. 

Donc pourquoi est-il important de connaître ce background structurel ? Et quel est le rôle de l’Éconazole dans toute cette histoire?

Ce médicament cache en réalité une véritable stratégie de ninja fongique. 

Dans le réticulum endoplasmique des champignons se trouvent certaines protéines appelées cytochromes, contiennent un groupe hème, une structure avec un atome de fer central permettant le transfert des électrons. Des cytochromes P450 peuvent se trouver également dans certaines enzymes fongiques, telle que l’enzyme lanostérol 14-α-déméthylase, d’où leur nom CYP51 (un membre spécifique de la famille P450). Les azolés ciblent ces enzymes fongiques CYP51 plus spécifiquement, leur anneau azoté se lie au fer du groupe hème du CYP51 bloquant son activité. Le précurseur lanostérol, une molécule mère, subit normalement une déméthylation en position 14, réalisée par l’enzyme CYP51 (14-α-déméthylase), ce qui permet de produire l’ergostérol, le principal stérol de la membrane fongique.

L’enzyme CYP51, étant dorénavant paralysée, une cascade d’anomalies s’enchaînent au niveau de la structure membranaire résultant en une membrane fongique instable, poreuse, qui perd sa structure et ses gradients ioniques sont dorénavant déréglés. Avec une accumulation de lanostérols anormaux et une diminution d’ergostérols, il y a soit un arrêt de division et de croissance cellulaire (fongistatique), soit la mort (fongicide).

En résumé, l’ÉCONAZOLE®, c’est un peu le videur de boîte de nuit des antifongiques :

“Pas d’ergostérol ? Pas d’entrée. Pas d’entrée ? Pas de survie.” Les champignons n’ont qu’à bien se tenir.

La science, c’est beau.

Rédigé par Céline Abboud

Sources:

  • Abastabar, M et al. “In vitro activity of econazole in comparison with three common antifungal agents against clinical Candida strains isolated from superficial infections.” Current medical mycology vol. 1,4 (2015): 7-12. doi:10.18869/acadpub.cmm.1.4.7
  • Lepesheva, Galina I, and Michael R Waterman. “Sterol 14alpha-demethylase cytochrome P450 (CYP51), a P450 in all biological kingdoms.” Biochimica et biophysica acta vol. 1770,3 (2007): 467-77. doi:10.1016/j.bbagen.2006.07.018

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