Le SPASFON®, comprimé rose contre la douleur
Le SPASFON® est un médicament très utilisé en France. Il est vendu en officine sans ordonnance, utile pour soulager certaines douleurs abdominales, les règles douloureuses ou encore les spasmes digestifs et urinaires. De juin 2023 à juin 2024, la marque SPASFON® a vu environ 9,7 millions de boîtes délivrées en France. Sur ordonnance, le médicament est remboursable à 15 % par le système de Sécurité sociale.
C’est un médicament présenté sous forme de comprimés, de suppositoires ou de solution injectable.
Le comprimé est la forme galénique (= forme du médicament) la plus répandue, car son action dure plus longtemps que celle de la solution injectable. La solution peut être administrée en intramusculaire ou en intraveineux. En cas de vomissements, le comprimé est remplacé par le suppositoire. Une des contre-indications est l’allergie au blé, car un des excipients (= substance inactive associée au principe actif qui permet l’administration, la conservation et/ou le transport) est l’amidon de blé.
La posologie usuelle (= indication du dosage et de la fréquence de prise du médicament) est de 2 comprimés, 3 fois par jour pour l’adulte, et 1 comprimé, 2 fois par jour pour les enfants. La prise est contre-indiquée pour les enfants de moins de 6 ans : le risque de fausse route en cas de prise de comprimé est important, auquel s’ajoute le risque élevé de surdosage. L’absorption digestive est aussi très différente de celle de l’enfant plus âgé, de l’adolescent et de l’adulte : le pH, la vitesse de vidange gastrique et l’activité enzymatique varient fortement. Des formes particulières existent spécifiquement pour les enfants lorsque la prise d’un médicament contre les spasmes est nécessaire : les formes lyoc (= comprimé qui doit être placé sous la langue) et les suppositoires dosés à 10 mg (contre 80 mg pour les comprimés adultes).
À ce jour, les données scientifiques sur le SPASFON® n’ont pas mis en évidence d’effet nocif particulier pendant la grossesse ou l’allaitement. Il est néanmoins déconseillé de l’utiliser sans avis médical.
Le SPASFON® présente des effets indésirables possibles tels que des éruptions cutanées et des démangeaisons. Exceptionnellement, chez les patients allergiques, un œdème de Quincke ou un choc anaphylactique peuvent survenir (1).
Le principe actif du SPASFON® est le phloroglucinol (IUPAC : 1,3,5-trihydroxybenzène), parfois associé à son dérivé, le métaphloroglucinol. Ces molécules permettent la relaxation des muscles lisses du tronc. C’est une action dite « antispasmodique », donc qui évite les spasmes. Le récepteur n’est pas encore clairement identifié, mais on sait que l’effet est directement exercé sur les cellules musculaires : on parle d’effet « myotrope direct », donc qui se rapporte directement au muscle. Le phloroglucinol inhibe les canaux calciques voltage-dépendants, ce qui empêche l’entrée du calcium dans les cellules et limite la dépolarisation des fibres musculaires lisses, empêchant ainsi la propagation du spasme.
Le phloroglucinol :

Pourtant, en demandant autour de soi, on remarque que l’effet du SPASFON® est variable selon les personnes : certains affirment qu’un seul comprimé les aide à se sentir mieux, alors que d’autres ont arrêté d’en prendre car il n’avait aucun effet sur leurs douleurs. Pourquoi cette variabilité ?
C’est une question de génétique, d’état hormonal, de stress, de nature de la douleur, et de forme galénique du médicament, entre autres.
Premièrement, l’absorption du médicament varie naturellement d’un individu à l’autre : la vitesse d’absorption, de métabolisation et d’excrétion dépend de la génétique, mais aussi d’interactions chimiques avec les aliments ou d’autres substances (alcool, drogues, autres médicaments…). Certains patients présentent une libération de calcium très forte au niveau cellulaire, que le SPASFON® a du mal à compenser.
L’efficacité varie aussi selon la voie d’administration : voie parentérale (= qui traverse la peau, injection), voie orale, voie rectale.
Certaines douleurs sont confondues à tort avec des spasmes de muscles lisses. Par exemple, les spasmes liés à l’anxiété, les crampes de muscles squelettiques, les douleurs neuropathiques ou les problèmes digestifs non musculaires comme les inflammations (appendicite, gastrite…) ne peuvent pas être traités par un antispasmodique ciblant les muscles lisses. Dans ces cas, le SPASFON® ne peut pas fonctionner.
De même, chez les personnes ayant un utérus, la réactivité des muscles lisses utérins et le nombre de récepteurs à l’ocytocine peuvent faire varier la réponse au médicament : certaines douleurs sont surtout liées à l’ocytocine (le phloroglucinol peut alors fonctionner), tandis que d’autres sont surtout liées aux prostaglandines inflammatoires (= hormones jouant des rôles multiples, par exemple la réponse immunitaire et la douleur, ici l’inflammation), où les anti-inflammatoires comme l’ibuprofène sont alors plus adaptés.
Pour les curieux :
Une étude récente (2023) démontre l’efficacité du principe actif sur des spasmes induits par l’ocytocine (2). L’ocytocine est une hormone naturelle synthétisée dans l’hypothalamus, puis libérée par l’hypophyse. Elle intervient dans l’accouchement, l’allaitement et la modulation des comportements sociaux. En se fixant sur son récepteur OXTR, elle augmente la concentration d’IP3 (inositol-1,4,5-trisphosphate), produit par le clivage du phosphatidylinositol-4,5-bisphosphate par une phospholipase C (PLC). L’IP3 se fixe ensuite sur un récepteur du réticulum endoplasmique,provoquant la libération massive de calcium intracellulaire, ce qui entraîne une contraction musculaire intense : un spasme.
Dans cette étude, l’ocytocine est utilisée pour induire des contractions, car son mécanisme d’action est parfaitement connu, ce qui permet d’obtenir une réponse reproductible. Le phloroglucinol est ensuite ajouté au milieu, et l’on observe si les contractions diminuent, ainsi que les doses nécessaires pour obtenir cet effet. Dans ce modèle expérimental, on observe une réduction significative des contractions avec le phloroglucinol à une dose non communiquée dans l’article.
Le phloroglucinol a aussi été étudié dans une optique de prévention du rejet embryonnaire après transfert chez les patients atteints d’endométriose (3). Une étude clinique montre que 40 mg de phloroglucinol injecté en intramusculaire, une fois par jour pendant une semaine après le transfert embryonnaire, améliore significativement les taux d’implantation et de naissances vivantes chez des patients dits infertiles à cause de l’endométriose.
Le SPASFON®, par son principe actif phloroglucinol, représente un antispasmodique myotrope bien établi dans la pratique clinique française. Son efficacité, liée à l’inhibition des flux calciques au sein des cellules musculaires lisses, demeure néanmoins influencée par des facteurs interindividuels majeurs : génétiques, hormonaux, physiologiques et galéniques. Les études récentes confirment son rôle dans la modulation des contractions induites par l’ocytocine et suggèrent des applications cliniques élargies. Malgré une tolérance généralement favorable, son usage doit rester guidé par une évaluation précise de l’origine de la douleur. Le SPASFON® illustre ainsi la nécessité de comprendre le mécanisme des symptômes pour adapter au mieux les traitements.
Sources :
(1) Vidal, SPASFON® / phloroglucinol
(2) W. Yang et al. (2023) : “Phloroglucinol inhibits oxytocin-induced contraction in rat gastric circular muscle and uterine smooth muscle”
(3) Wen‑Juan Pang et al., “Analysis of the effect of phloroglucinol on pregnancy outcomes involving frozen embryo transfers in patients with endometriosis: A retrospective case-control study”

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