Le blanchissement des coraux

© Jürgen Freund / WWF

98% des coraux de la grande barrière de corail ont souffert du blanchissement des coraux. Derrière ce chiffre choc se cache une réalité. Il signifie que l’immense majorité des patchs de coraux constituant le plus vaste récif corallien du monde a connu, depuis 1998, au moins un épisode de blanchissement.

Mais pourquoi s’en inquiéter ? Après tout, tous les animaux finissent par mourir. Quelles sont les conséquences de ces épisodes de blanchissement ?

Longtemps considéré comme une pierre arborescente, une espèce de mix entre un arbre sous-marin et un minéral, le corail est un animal benthique (i.e. qui vit fixé sur les fonds marins) de l’embranchement des cnidaires. Les coraux qui forment des barrières comme en Australie appartiennent à la classe des Anthozoaires et à l’ordre des scléractiniaires, les coraux durs. Ces animaux coloniaux se regroupent en colonies de polypes pour former, par exemple en Australie, la plus grande structure vivante biogénique (i.e. créée par des organismes vivants) du monde : la grande barrière de corail.

Ces superorganismes agissent en symbiose avec d’autres organismes, plus petits : des algues unicellulaires dinoflagellées, les zooxanthelles (attention, toutes les espèces de coraux ne créent pas de relation symbiotique avec les zooxanthelles).

Il s’agit d’une relation à bénéfices mutuels. A l’aide des déchets métaboliques des coraux, cette microalgue réalise la photosynthèse, fournissant de l’oxygène à son hôte en échange du gîte et d’une exposition lumineuse suffisante.

Seulement voilà, depuis de nombreuses années et sous la pression des activités anthropiques, cette symbiose ne dure plus. Les coraux expulsent leurs zooxanthelles, ce qui entraîne leur blanchissement, une diminution importante de leur croissance et bien souvent, la mort. On estime ainsi que la grande barrière aurait perdu plus de la moitié de ses coraux entre 1998 et 2014. Dans le reste du monde, les récifs coralliens ne se portent pas mieux, leur blanchissement massif est devenu un phénomène mondial.

Ces événements de blanchissement sont dus à un stress, subi par le corail, qui va le pousser à expulser ses zooxanthelles par exocytose ou encore par dégradation dans la cellule hôte. De nombreux facteurs pouvant entraîner ces épisodes ont été identifiés.

Ainsi, on peut compter les catastrophes naturelles (tempêtes, tsunamis…) qui vont briser physiquement les récifs coralliens, les changements importants de température (phénomène El-Niño, oscillation australe des courants océaniques), l’exposition à la marée basse ou à l’inverse la montée des eaux, la modification de la salinité et l’acidification des océans (hausse de la teneur en acide carbonique dans l’océan). L’émergence de nouvelles maladies ciblant les coraux, le largage dans les océans de produits dangereux pour les récifs coralliens (crème solaire, pétrole…) ainsi que l’arrivée de nouvelles espèces invasives (Acanthaster pourpre) et le chalutage peuvent aussi participer à ces épisodes de blanchissement.

Cette liste non exhaustive de pressions s’exerçant sur l’un des plus vieux animaux coloniaux vivants du monde (plusieurs centaines voire milliers d’années) n’est pas sans conséquence. En effet, on dit que le corail est une espèce fondatrice. Elle est capable de construire un écosystème qui ne pourrait pas exister sans elle. Les récifs coralliens sont ainsi des lieux de vie, des refuges, des zones de chasse, des pouponnières pour de nombreuses espèces benthiques ou pélagiques. Leur disparition entraîne donc la perte de fonctions essentielles de ces écosystèmes. Les nombreuses espèces marines qui en dépendent doivent migrer et les organismes qui n’en sont pas capables meurent. Ces migrations contribuent à créer des zones mortes hypoxiques (sans oxygène dissous) dans lesquelles les poissons, les crustacés et autres organismes fixés perdent rapidement conscience et meurent.

Par chance, certains coraux semblent développer des résistances au blanchissement quand ils ont déjà été exposés à un événement de blanchissement. L’arrêt ou la diminution de la quantité de polluants déversés dans l’eau permet également d’enrayer ce phénomène et permet aux récifs de récupérer rapidement. Le récif de la baie de Kāneʻohe sur l’île d’Oahu dans l’archipel d’HawaÏ a ainsi récupéré 50 à 90% de sa superficie depuis l’arrêt du déversement des eaux usées en 1970.

GUEGAN Maël

Sources : 

  • Coral Reefs Under Rapid Climate Change and Ocean Acidification. https://www.researchgate.net/publication/5769983_Coral_Reefs_Under_Rapid_Climate_Change_and_Ocean_Acidification.
  • Coraux : en Australie, le blanchissement a atteint 98 % de la Grande Barrière. Le Monde.fr (2021). https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/11/04/coraux-en-australie-le-blanchissement-a-atteint-98-de-la-grande-barriere_6100968_3244.html
  • Cheung, M. W. M., Hock, K., Skirving, W. & Mumby, P. J. Cumulative bleaching undermines systemic resilience of the Great Barrier Reef. Current Biology 0, (2021).
  • Futura. Définition | Zooxanthelle | Futura Planète. Futura https://www.futura-sciences.com/planete/definitions/botanique-zooxanthelle-4038/.
  • Grande barrière: les coraux ayant survécu au blanchissement sont plus résistants. Sciences et Avenir https://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/grande-barriere-les-coraux-ayant-survecu-au-blanchissement-sont-plus-resistants_130136 (2018).
  • Dietzel, A., Bode, M., Connolly, S. R. & Hughes, T. P. Long-term shifts in the colony size structure of coral populations along the Great Barrier Reef. Proceedings of the Royal Society B: Biological Sciences 287, 20201432 (2020).