L’IMODIUM®, dont la substance active est le lopéramide, est sans doute le médicament le plus présent dans les trousses à pharmacie des voyageurs ! C’est un peu le réflexe numéro 1 quand une diarrhée aiguë vient gâcher une journée ou un séjour à l’étranger. L’article n°5 de ce Biocalendrier était consacré au DULCOLAX®, le médicament qui accélère le transit. Ici, on va parler de son exact opposé (en objectif) : l’IMODIUM®, qui freine le système digestif quand tout va beaucoup trop vite.
Le lopéramide (figure n°1) a été mis au point dans les années 1960 par Paul Janssen, fondateur du laboratoire belge Janssen Pharmaceutica, puis a été commercialisé dans de nombreux pays sous forme de gélules, comprimés ou solutions orales.

Figure n°1 : Structure du Lopéramide
L’IMODIUM® est utilisé pour traiter les diarrhées aiguës non infectieuses, celles qui ne s’accompagnent ni de fièvre ni de sang dans les selles. Il peut aussi être employé dans certaines diarrhées chroniques, ou chez des patients porteurs d’une iléostomie1 dans le but de diminuer la fréquence et le volume des selles. Les épisodes liés au stress, aux changements alimentaires ou aux voyages sont des situations dans lesquelles ce médicament est souvent utile.
Lorsqu’il est ingéré, il se fixe de manière sélective sur les récepteurs opioïdes de type μ (mu) situés dans le plexus myentérique, c’est-à-dire dans le réseau nerveux contenus dans l’épaisseur des couches de la paroi de l’intestin grêle. Cette fixation entraîne une inhibition de la libération de neurotransmetteurs tels que l’acétylcholine, ce qui diminue la motilité des muscles de l’intestin. En conséquence, le transit ralentit et le contenu intestinal reste plus longtemps au contact de la muqueuse colique. Ce temps supplémentaire permet à l’intestin de réabsorber davantage d’eau et de sels minéraux, rendant les selles plus consistantes. Parallèlement, le lopéramide augmente légèrement le tonus du sphincter anal, ce qui réduit l’urgence… défécatoire.
Chez l’adulte, on commence généralement par 4 mg, soit deux comprimés de 2 mg, puis on reprend 2 mg après chaque selle liquide sans dépasser 16 mg dans la journée. Chez l’enfant, les doses changent selon l’âge et la forme utilisée. Les gélules ne sont adaptées qu’à partir de huit ans, et les formes buvables autrefois destinées aux plus petits ont été retirées du marché. L’IMODIUM® est interdit chez les nourrissons de moins de deux ans. Pendant la grossesse ou l’allaitement, il peut parfois être utilisé ponctuellement après avis médical, mais il reste préférable d’opter d’abord pour la réhydratation et des mesures alimentaires adaptées.
Il existe des conditions dans lesquelles l’usage de l’IMODIUM® est contre-indiqué : en cas de diarrhée accompagnée de sang ou de fièvre importante, en cas de colite inflammatoire, de suspicion d’infection bactérienne invasive, de prise récente d’antibiotiques à large spectre : dans ces situations, bloquer le transit intestinal pourrait empêcher l’élimination des agents pathogènes et nuire à la guérison.
Mais en cas de surdosage ou d’usage prolongé, des effets graves peuvent survenir : ralentissement excessif du transit, voire complications cardiaques.
D’un point de vue scientifique, l’intérêt du lopéramide illustre comment la combinaison d’un ciblage récepteur-spécifique et de mécanismes de transport membranaire (comme la P-glycoprotéine) peut limiter la distribution d’un médicament au site d’action souhaité, maximisant l’effet local et minimisant les effets indésirables.
En conclusion, l’IMODIUM® reste un médicament utile pour soulager ponctuellement une diarrhée non infectieuse, à condition de l’utiliser avec précaution, en respectant scrupuleusement les doses, de surveiller les contre-indications, et surtout d’assurer une bonne hydratation. Il ne doit jamais servir à masquer des symptômes inquiétants ou à traiter des diarrhées d’origine infectieuse sans avis médical.
Rédigée par Rhode Benoit
Sources
- « Base de Données Publique des Médicaments », ANSM – Mis à jour le : 06/10/2025. https://base-donnees-publique.medicaments.gouv.fr/medicament/61651634
- Heel, R. C., R. N. Brogden, T. M. Speight, et G. S. Avery. « Loperamide: A Review of Its Pharmacological Properties and Therapeutic Efficacy in Diarrhoea ». Drugs 15, nᵒ 1 (1978): 33‑52. https://doi.org/10.2165/00003495-197815010-00003.
- « How IMODIUM® Products Work to Cure Diarrhoea | IMODIUM® New Zealand ». https://www.kenvuebrands.com/nz/IMODIUM/treatment/how-IMODIUM-works.
- « Notice patient », ANSM – Mis à jour le : 31/05/2017. https://agence-prd.ansm.sante.fr/php/ecodex/notice/N0297832.htm.
- Sahi, Nidhi, Rosalee Nguyen, Preeti Patel, et Cynthia Santos. « Loperamide ». In StatPearls. StatPearls Publishing, 2025. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK557885/.
- Regnard, Claud, et al. « Loperamide ». Journal of Pain and Symptom Management, vol. 42, nᵒ 2, août 2011, p. 319‑23. ScienceDirect, https://doi.org/10.1016/j.jpainsymman.2011.06.001.
- Ouverture créée par voie chirurgicale au niveau de l’abdomen permettant l’évacuation des selles ↩︎

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